La probable prochaine vice-présidente de LR est arrivée en politique grâce à Alain Juppé, après une carrière dans le privé. Se réclamant volontiers de Margaret Thatcher et d’un «libéralisme populaire», elle rejette le gaullisme revendiqué par une bonne partie de sa famille politique.
En cas de victoire de votre nouveau champion, on vous annonce vice-présidente de LR. Qu’est-ce qui vous a poussée à soutenir Laurent Wauquiez ?
C’est très simple : j’ai fait le constat des 33 % d’électeurs qui ont voté Le Pen au second tour, de Macron qui prend un espace politique plutôt centre gauche et d’une nécessité absolue de reconstruire cette droite. La seule façon de faire était de ne pas la fractionner.
On vous a dit opportuniste…
Vous pensez que mon moteur c’est d’être vice-présidente de Les Républicains ? Il y a deux ans je n’avais même pas de carte de parti et j’ai été investie tête de liste dans la plus grande région de France. Pour autant, même si je suis à LR depuis très peu de temps, j’ai beaucoup d’estime pour les militants, pour les élus locaux, pour les gens qui s’engagent de façon désintéressée. Mais la question n’est pas là : y avait-il un grand débat d’idées avec des poids lourds qui s’affrontaient ? La réponse est non. Le défi, c’est d’être capable de reconstruire cette famille. Et ça passe par un poids lourd… Si Xavier Bertrand ou Valérie Pécresse y étaient allés, les choses auraient peut-être été différentes.
Comment voyez-vous le rapprochement Juppé-Macron dans la perspective des européennes ?
Je n’ai pas à commenter le positionnement politique d’Alain Juppé. C’est lui qui m’a fait venir en politique. Il reste mon mentor et vous ne m’en ferez jamais dire du mal. Ceci étant dit, il est pour moi indispensable de faire exister la droite comme une des principales forces politiques plutôt qu’un grand rassemblement central face à des extrêmes. Car si celui-ci échoue, cela fera monter les extrêmes. Je suis pour la réunion de notre famille politique. Encore faut-il qu’il y ait des fondamentaux qui nous réunissent.
Ne pas appeler à voter Macron au second tour de la présidentielle, ça en fait partie ?
Ce qui aurait pu me gêner, c’est le «ni-ni». On a clairement dit aucune voix pour Marine Le Pen. Et à titre personnel j’ai dit que je voterai pour Macron. Ce qui me choque surtout c’est qu’on dise aux gens quoi voter. Ils sont libres et les diabolisations ne marchent pas.
Vous dites souvent vouloir faire entendre la voix des libéraux au sein de LR…
J’ai d’abord, et avant tout, un attachement farouche à la liberté. Derrière ça, il y a plusieurs champs, et ce n’est pas qu’économique. Sur le champ sociétal, ma position est que l’essentiel relève avant tout du domaine de la vie privée.
Vous prônez un «libéralisme populaire», ça veut dire quoi ?
Margaret Thatcher a nourri son libéralisme dans l’épicerie de son père. On confond souvent libéralisme et capitalisme. Le libéralisme populaire, c’est la volonté de tirer tout le monde vers le haut au lieu de niveler par le bas.
Vous vous comparez à Thatcher ?
Pas du tout. C’est simplement que je n’ai pas de figure française en tête. J’aurais pu citer Ronald Reagan. Et j’aime rappeler que Thatcher vient de l’épicerie de son père. Ce sont les valeurs de la droite, de méritocratie, de travail, d’effort, même si Thatcher n’est pas transposable en France.
Revenons à votre libéralisme sociétal…
La droite aurait dû faire l’union civile. La gauche a fait le mariage pour tous, on passe à autre chose car c’est fait. La question se pose sur la filiation. Je ne suis pas favorable à la PMA [procréation médicalement assistée, ndlr] étendue aux femmes homosexuelles et à la GPA [gestation pour autrui] qui, pour moi, relèvent d’un autre domaine, la bioéthique. Je suis favorable en revanche à faciliter l’adoption pour tous. Car il s’agit d’un geste avant tout d’amour qui doit être possible pour chacun, indifféremment de sa sexualité, qu’on soit homo, hétéro ou une famille monoparentale.
Vous n’avez pas peur de fâcher «la Manif pour tous» ?
Je ne suis pas là pour faire plaisir à la Manif pour tous, mais pour défendre ce en quoi je crois.
Et en quoi croyez-vous ?
Je crois qu’il faut construire un modèle de réussite à la française. Un American dream à la française est possible. On devrait pouvoir naître dans une banlieue défavorisée ou dans un territoire isolé de la République et avoir la capacité de réussir. Dans ces territoires qu’on a oubliés, c’est peut-être là qu’on a le creuset des entrepreneurs de demain. Je crois aussi que la première des libertés, c’est la sécurité. Mon objectif c’est de dire : «Attention, on ne peut pas imaginer prendre le risque de garder des extrêmes aussi hauts dans ce pays.» Parce que si on additionne Le Pen et Mélenchon, ça fait quand même 40 % au premier tour de la présidentielle !
Que doit faire la droite ?
Notre devoir est celui de la reconstruction. Macron, c’est un social-démocrate qui a modernisé totalement la gauche, mais il fait la politique qu’a faite Matteo Renzi en Italie. Ce n’est pas du tout une politique de droite, et je peux vous énumérer vingt points sur lesquels il ne fait pas une politique de droite.
Il y en a au moins autant sur lesquels sa politique est de droite…
Il n’y en a pas tant que ça. Pour juger ce qui est une politique de droite, il faut une cohérence sur un ensemble. Macron, on prend un truc et on dit : «Il fait une politique de droite.» Non. C’est comme le libéralisme, on ne peut pas dire : «Tiens, je prends un truc et ça y est je suis libéral.» C’est un vrai courant de pensée, c’est une idéologie qui veut plus de libertés, qui pense qu’il faut plus faire confiance à des millions d’individus qu’à une poignée dans un gouvernement. L’antithèse du libéralisme, c’est l’étatisme, et Macron est trop étatique. On nous bassine depuis des années avec l’Etat-providence, l’Etat nounou, est-ce que ça a marché ? Il y a 9 millions de pauvres en France. Il y a 6 millions de chômeurs. Pour moi, c’est la démonstration qu’on a échoué. A-t-on échoué par excès de libéralisme ? Non, c’est tout le contraire. On est un pays sur-administré, où la dépense publique représente 57 % de notre PIB.
Vous êtes en rupture avec une vieille tradition de droite gaulliste, au contraire très étatiste…
Je ne le suis pas.
Vous n’êtes pas gaulliste ?
Je suis fille de pied-noir, donc je pourrais vous expliquer pourquoi, peut-être, je ne suis pas gaulliste. Mais au-delà de ça, l’idéologie de la droite est faite des gaullistes sociaux et des libéraux. J’appartiens plutôt à la seconde famille.
Vous avez travaillé longtemps avec Juppé, qui n’est pas un libéral forcené ou un anti-étatiste…
Non, même s’il est devenu plus girondin à Bordeaux. Je pense que cela fait partie de ce qu’on n’a jamais essayé en France. Peut-être parce que j’ai un profil atypique – je n’ai pas fait l’ENA, je n’ai pas été inspecteur des finances, j’ai passé vingt ans en entreprise -, je crois qu’il y a une caste politique en France et que la plupart des politiques qui se sont succédé ont tous agi de la même façon, en étant étatistes et centralisateurs.
Alors OK, on baisse les dépenses publiques, mais quoi et où ?
Il faut redéfinir le périmètre de l’Etat, qui doit se concentrer sur ses missions régaliennes, sur lesquelles les citoyens n’ont pas de marge de manœuvre. Ils subissent la politique qui leur est imposée, notamment dans les domaines de la sécurité, de la justice, de la police, de l’immigration… Sous prétexte de dépenser 146 milliards dans l’éducation, soit 30 milliards de plus qu’en Allemagne, peut-on s’enorgueillir d’avoir des jeunes bien formés ? De ne pas avoir creusé les inégalités ? Non. La dépense publique ne veut pas dire «de bons services publics».
Mais ça fait longtemps qu’on l’entend, surtout à droite…
Oui mais on ne le fait pas assez ! Et la défiance des citoyens vis-à-vis des politiques vient du fait que les politiques n’ont pas toujours fait. Moi, mon slogan, c’est «la dame de faire», F·A·I·R·E.
Vous parliez masse salariale…
Pourquoi on ne remplacerait pas les fonctionnaires ? Parce qu’on veut moins de policiers ou d’infirmières ? Bien sûr que non. Mais les pauvres, on leur donne une grille de salaire qui fait que quand ils ont 25 ans, ils savent déjà combien ils seront payés à 50, il n’y a aucune méritocratie. Donc on a des gens qui se défoncent et qui finissent par en avoir assez parce qu’ils ne sont pas correctement rétribués, et l’absentéisme est très élevé. Je préfère moins de fonctionnaires, mieux payés, avec des meilleures perspectives de salaire et d’évolution. Ayons le courage de dire que des départs à la retraite dans la fonction publique peuvent être une opportunité.
Le programme présidentiel de Fillon répondait-il à votre vision libérale ?
Sur le fond, si je prends mesure par mesure, globalement, la réponse est oui. Sauf sur le sociétal. Après, mais là c’est plus une question d’éléments de langage, je crois qu’on n’a pas été capables d’arriver à expliquer notre projet par quelque chose de non punitif. L’objectif n’est pas de supprimer 500 000 emplois publics mais de donner à la France des marges de manœuvre, de baisser les impôts et surtout de permettre des investissements. Construire des routes, développer la fibre : c’est ça qui réduira les inégalités, qui permettra à quelqu’un qui est né dans la Creuse et qui a du talent de monter sa petite boîte.
Là pour le coup, il faut la puissance de l’Etat pour faire pression sur les opérateurs…
Oui, justement, là c’est du bon argent public. Les gens peuvent se dire «mes impôts servent à quelque chose». Les policiers, par exemple, ils tapent à la machine comme ça, avec deux doigts, ils n’ont même pas d’assistante, les tâches administratives ce n’est pas leur métier ! Alors qu’en face du commissariat central, de l’autre côté de la rue, à l’hôtel de région Nouvelle-Aquitaine, ah ça, il y en a des assistantes ! Il faut changer totalement notre façon d’administrer et de répartir les effectifs.
A droite, on entend souvent que les Français sont rétifs à la réforme. Est-ce votre sentiment ?
On a surtout un problème de pédagogie. Economiquement, Fillon avait tout bon mais je ne crois pas que les Français aient envie qu’on leur promette du sang et des larmes. Ce qui manque, c’est dans quel modèle de société on a envie de vivre. J’ai envie d’un modèle de société où on s’adresse à des jeunes de milieux sociaux défavorisés et qu’on leur explique comment on peut réussir en recréant l’ascenseur social. Pas un modèle où l’on oppose les retraités et les jeunes, ceux qui ont réussi et les autres, les citadins et les habitants des territoires ruraux, et où l’on tape toujours plus sur les classes moyennes. Enfin, il faut sortir de l’égalitarisme et sa logique de nivellement par le bas. Les mots sélection, note, mérite ont été bannis.